VOYAGE AU PAYS DE BOUYXOU, ROLLIN ET DU MESNILDOT...
Bouyxou 4
S. du Mesnildot
 

Jean-Pierre Bouyxou parle de Jean Rollin
 
Comment as-tu rencontré Jean Rollin ?
J’ai connu Jean Rollin, d’abord comme critique anar et puis j’ai appris qu’il faisait des films. Je programmais un ciné-club à Bordeaux qui était celui de l’antenne locale de la Fédération Anarchiste. Et je lisais le Monde Libertaire, la revue de la FA, dont il était le critique de cinéma.
Un jour au marché du film de Cannes, je vois La Vampire nue, son deuxième long métrage après Le Viol du vampire. J’aime beaucoup le film et j’en parle dans La science fiction au cinéma, un livre que j’écrivais à cette époque. Je reçois plus tard une lettre de Jean Rollin me disant « Cher monsieur, c’est formidable, quelqu’un a vu le film que j’ai voulu faire. Ca me fait très plaisir, merci beaucoup ». Un ou deux ans plus tard alors que je m’étais installé à Bruxelles, Jean vient y tourner Les Démoniaques. Comme nous avions un ami commun, il me fait savoir qu’il aimerait bien que je fasse de la figuration. Il s’est trouvé que l’assistant de Jean sur ce tournage était un peu déficient et que j’ai pu rattraper le coup sur quelques petits détails. J’ai donc servi d’assistant à Jean sur le film mais surtout nous avons sympathisé.
Un ou deux ans plus tard, Jean m’a à nouveau demandé d’être son assistant. Il m’a précisé qu’il ne voulait pas d’un assistant habituel – en général c’est un jeune homme qui va chercher des sandwichs pour l’équipe – mais de quelqu’un avec qui parler et avoir des échanges. Plus un complice qu’un assistant. J’ai ainsi été son assistant pendant tout une période. C’était très chouette. Je n’ai malheureusement pas travaillé sur ses films de vampires mais sur des pornos auxquels il n’attachait pas beaucoup d’importance. Mais un tournage est toujours une chose exaltante et c’était très jouissif de travailler avec lui.
 
Satan bouche un coin (Jean-Pierre Bouyxou, 1968)
Satan bouche un coin de Jean-Pierre Bouyxou
 
Justement, comment se passe un tournage avec Jean Rollin ?
Comme il est vraiment viscéralement anar, Jean a la particularité – qui est à la fois sa plus immense qualité et son défaut le plus encombrant – d’être contre toute forme d’autorité, y compris la sienne. Donc, il répugne à diriger les gens. Il dit ce qu’il a envie de faire mais il ne donne pas d’instruction. Il en est tout à fait capable mais il n’aime pas ça. Ca donne une formidable liberté mais comme il n’a pas souvent les moyens d’utiliser de très bons acteurs ni parfois de très bons techniciens, il devrait les avoir bien en main et leur indiquer chaque détail de leur jeu ou de leur travail. Donc c’est parfois un peu à côté de la plaque. En même temps ça donne un ton complètement décalé et irréaliste. Les films de Jean sont des trips oniriques du début à la fin et le « mauvais » jeu des comédiens entre en grande partie dans cet irréalisme. Dans les films de Rollin, on ne parle pas comme on parle dans la vie, d’abord parce que les dialogues sont très littéraires. Il est beaucoup plus marqué, et tant mieux, par Gaston Leroux que par Michel Audiard. On est dans un parlé presque pompier, parfaitement artificiel, mais dans la mesure où les toiles de Clovis Trouille ont un côté pompier. Il y a un refus absolu du naturalisme.
 

Satan bouche un coin (Jean-Pierre Bouyxou, 1968)3
Satan bouche un coin de Jean-Pierre Bouyxou
 
Tu es même devenu le personnage de plusieurs romans de Jean Rollin réunis sous le titre Jean-Pierre Bouyxou contre la femme au masque rouge.
Alors ça c’est très rigolo et très sympathique. Jean Rollin ne m’a tenu au courant de rien et un jour il me téléphone en me disant : « tu vas recevoir demain une enveloppe que je t’envoies, c’est une surprise. » et effectivement, le lendemain, je recevais Vies et aventures de Jean-Pierre Bouyxou, un bouquin dont j’étais le personnage principal. D’abord ça m’a ému, parce que c’est quand même un signe d’amitié et d’affection tout à fait rare et émouvant. Si je ne l’avais déjà su, j’aurais su ce jour-là que Jean décidément m’aimait beaucoup. Et par ailleurs, j’aime beaucoup les livres. C’est le Jean Rollin que je préfère, celui de ses meilleurs films, des Deux orphelines vampires et de La nuit des horloges, son prochain film. La nuit des horloges est magnifique, peut-être ce qu’il a fait de plus beau et de plus authentiquement surréaliste. On lâche la bride à l’imagination, c’est Gaston Leroux puissance André Breton. Maintenant, bien sûr, on peut venir chicaner Jean. Effectivement, il ne filme pas comme Eisenstein et il n’écrit pas comme Victor Hugo mais il se trouve que le cinéma et la littérature qu’il pratique me passionnent et me subjuguent complètement.
Pour moi, Jean représente la fusion idéale entre le cinéma populaire dans son essence même, dans sa liberté, dans sa dinguerie et dans ses codes, et le cinéma d’avant-garde plus pointu, le plus expérimental et le plus gonflé. Il mêle les deux, ça forme un tout et il se fout que ça appartienne à l’un ou à l’autre.
Je suis sûr, et Jean est de mon avis, qu’on ne peut pas aimer le cinéma fantastique populaire, les serials de Ford Beebe, les films d’horreur de Robert Siodmak, les films de cul de Benazeraf, les bandes dessinées de Pellos, Guy L’Eclair, Mandrake le magicien, Les Misérables de Hugo, Gaston Leroux, Les Deux orphelines, sans aimer aussi Yves Tanguy, Max Ernst, Eluard, Guy Debord… je n’arrive pas à faire de frontière entre ces choses-là qui me semblent former un tout complètement cohérent. Je serai bien en peine de définir le point de cohérence mais je sais qu’il existe quelque part. Je le sens… je le ressens.
 
(propos recueillis par Stéphane du Mesnildot)
 

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Carmilla de S. du Mesnildot
 
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Carmilla de S. du Mesnildot
 
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Lacrima de S. du Mesnildot
 
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Lacrima de S. du Mesnildot
 
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Le vapire de Tokyo de S. du Mesnildot
 
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Vampyros Lesbos de Jess Franco
 

bouyxou musa
Musidora dans Les vampires de Feuillade
 

Interview Jean Rollin pour Objectif cinéma
 

Roland Brévannes. L’Orgie Satanique à Travers les Siècles.
Paris : Offenstadt, 1904
Roland Brévannes. L’Orgie satanique à travers les siècles (Offenstadt, 1904)
 

La religieuse italienne de Clovis Trouille
Clovis Trouille: La religieuse italienne
 

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Wendy Luton et le monstre, vus par Harrisson Marks (extrait de Frankenstein de Jean Pierre Bouyxou)
 

Max Ernst: La semaine de bonté
Max Ernst: La semaine de bonté
 


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La nuit des horloges de Jean Rollin
 
Jean Rollin vient de terminer le montage de son dernier film, La nuit des horloges, film-hommage à son oeuvre et à ses commédiens... quelques photos du film:
 
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Texte de Jean Rollin sur le roman noir français d'après 45, paru en 1971 dans La Rue n°11
 
"De la pisse dans le bénitier" : émission radio sur le cinéaste Jean-Pierre Bouyxou, par Yves-Marie Mahé pour "Surpris par la nuit", diffusée sur France Culture en juillet 2004 (descendre en bas de page)
 
Le 3O mars 2007 à la Cinemathèque de paris, Jean-Pierre Bouyxou, présente à la séance experimentale avant-garde de Nicole Brenez les films de Ted Mulligan
 

Max Ernst: La semaine de bonté2
Max Ernst: La semaine de bonté
 
Mon tombeau (Clovis Trouille)
Clovis Trouille: Mon tombeau
 
Amy Alice Thompson: Owl girls
Amy Alice Thompson: Owl girls
 
Clovis trouille
Clovis Trouille: La voyeuse
 
flyer rollin bouyxou
 
Lire l'Apologie du terrorisme burlesque de Jean-Pierre Bouyxou  
 
 
 
 

 

 
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