BERNARD CHARNACE
Whitstable, août 1961. Un adolescent français né seize ans plus tôt à Paris, le 1er novembre 1944, débarque par le train en provenance de Londres. Emu mais déterminé, il a du surmonter toutes les barrières pour arriver dans cette petite station balnéaire de l’embouchure de la Tamise, sur la mer du Nord. Combien de règles adultes n’a-t-il pas défiées pour réaliser ce rêve enfantin, à la fois naïf et un peu fou : rencontrer Peter Cushing, dont le dandysme, l’élégance et la subversion assumée l’a littéralement bouleversé à la vision de Frankenstein s’est échappé en 1957. S’il est un acteur français qui peut ainsi revendiquer le prestigieux parrainage de la Hammer, c’est incontestablement lui, Bernard Charnacé, jeune homme alors en devenir. Ce voyage improbable en forme de promesse fantasmée scelle en effet davantage qu’une amitié bien réelle avec le gentleman de l’Horror britannique : démiurge à l’écran et démiurge cette fois dans la vie, Cushing est ce jour-là l’électrochoc frankensteinien qui éveilla la vocation du jeune admirateur venu à lui.
 
bernard charnace
Frankenstein s'est échappé (Terence Fisher, 1957)
 
Sitôt de retour à Paris, Bernard Charnacé s’inscrit au cours privé Jean Perimony. Il poursuit sa formation au sein du cours d’art dramatique de la rue Blanche à partir de 1963, puis au Conservatoire national en 1968. C’est une période tumultueuse. Sa soif d’apprendre se nourrit de lectures affranchies de la dictature du bon goût, et celles-ci entrent en résonnance avec les monstres croisés au Midi-Minuit. Sa conscience esthétique et politique s’aiguise, les expériences militantes inédites sont alors son quotidien. Au cœur des événements de mai, il lance ainsi avec quelques autres, le Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire, grand précurseur de tous les actuels mouvements homosexuels.
 
Durant les années soixante-dix, alors que ses rencontres avec Cushing ponctuent une correspondance suivie, il participe aux téléfilms fantastiques de Michel Subiela. On le croise ainsi dans le dernier épisode du Tribunal de l’impossible, Le Baquet de Frédérique-Antoine Mesmer (1974), et dans quatre épisodes des Classiques de l’étrange : La Main enchantée d’après Gérard de Nerval (1974), Hugues le Loup d’après une histoire de loup-garou écrite par Erckmann-Chatrian (1975), Le Colchique et l’étoile (1974) et Enquête posthume pour un vaisseau fantôme (1977).
 
C’est au théâtre que Bernard Charnacé va donner toute sa mesure à partir des années quatre-vingts. Qu’on le retrouve dans Fantômas en 1984, dans Good de Jean-Pierre Bouvier en 1986, dans La Petite boutique au coin de la rue en 2001, ou dans un répertoire classique déjà exploré pour la BBC durant les années soixante-dix – L’Avare, Tartuffe, Double Inconstance… – l’acteur ne perd jamais de vue le souvenir de son ami et mentor : chaque soir le portrait de Peter Cushing orne sa table de maquillage...
 
C’est cette émotion fondatrice, sans cesse réactivée, qui le guide également dans ses choix pour le petit et grand écran. On le retrouve aux cotés de Robert Powell sous la direction de l’italien Giulio Questi en 1989, pour un téléfilm fantastique : Il segno del comando. Il participe à l’insolite Docteur Petiot en 1990, et finit par croiser la route de Jean Rollin. Avec Deux Orphelines vampires en 1997 et Le Masque de la méduse en 2009, ce-dernier lui confectionne des rôles sur mesure, imprégnés de littérature populaire et de surréalisme.
 
Aujourd’hui, plus de cinquante après Frankenstein s’est échappé, Bernard Charnacé aime toujours autant revenir sur cette firme Hammer qui a littéralement changé sa vie. Ses textes pour L’Ecran fantastique, Fantastyka et CinémAction comptent parmi les plus poignants sur le sujet. Mais c’est sans doute lorsqu’on l’écoute parler à bâton rompus du petit studio londonien que l’on prend la mesure du personnage : un passionné dont l’éloquence n’a d’égal que la volonté de transmettre.
 
Nicolas Stanzick
 

 
bernard charnace
Peter Cushing Les Maitresses de Dracula (Terence Fisher, 1960)  
bernard charnace
Bernard Charnacé sur le tournage du Masque de la Méduse de Jean Rollin (2009)
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Charnace
Le Midi-Minuit en 1959 (D.R.)
 

 

bernard charnace
Midi-Minuit Fantastique numéro 1
 

 

bernard charnace
Frankenstein s'est échappé (Terence Fisher, 1957)
 

 

 

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